Photo: ELL

L’éducation aux médias franchit les murs de la détention

C’est une petite salle aux murs blancs, les fenêtres ont des barreaux et la porte ne ferme pas à clé. D’habitude, elle sert d’annexe ou de débarras pour le gymnase voisin, mais la dizaine de détenus qui s’y trouvent le 6 juillet n’est pas venue pour un cours de sport.

Au programme de cette journée à la maison d’arrêt de la Seine-Saint-Denis, située à Villepinte : deux ateliers d’EMI, le premier portant sur le pluralisme des médias et la hiérarchisation de l’information ; le second s’intéressant aux outils pour démêler le vrai du faux, à l’heure des réseaux sociaux. Un seul paramètre change en milieu fermé : aucun accès à internet. Il faut donc veiller à bien préparer ses exemples en amont…et à recourir à la force de son imagination.

Cette journée d’intervention, animée par Fanny Lattach, directrice adjointe d’Entre les lignes, s’inscrit dans un programme de réinsertion des personnes sous main de justice. Appelé « Un métier une chance », il a pour objectif de « faciliter la réinsertion sociale et professionnelle des personnes détenues », explique l’association Justice Deuxième Chance, qui pilote ce dispositif sur trois ans dans trois prisons, à Paris et en région parisienne.

Parole libre

Une fois le sujet posé, les participants - présents sur la base du volontariat - n’ont pas hésité à s’exprimer et à donner leur avis, notamment grâce à la comparaison des Unes de journaux télévisés. « On fait comme on peut. Je regarde BFM, c’est déjà pas si mal », lance un participant, lors d’un volet consacré à l’importance de diversifier ses sources d’information.

Ces exercices de mises en situation les incitent à être acteurs de la formation et les effets sont là, instantanément. Les échanges se poursuivent sur les dessous du métier. Certains possèdent une bonne culture médiatique quand d’autres sont plutôt méfiants envers les médias. Pas tous d’accord, mais chacun partage son opinion.

On pourrait presque se croire « dehors » si le quotidien de la prison ne venait pas rappeler la réalité du moment : un parloir, un rendez-vous d’avocat, une sortie de cellule qui prend plus longtemps que prévu, une vidéo compliquée à visionner car pas de rideaux aux fenêtres sont autant de paramètres qui demandent de s’adapter, pour faire avancer le groupe au mieux. Mais en détention, ces quelques heures d’EMI offrent aussi un espace sans jugement, un moment de réflexion en groupe et un temps de liberté de parole rare dans cet environnement.

ELL active dans plusieurs secteurs judiciaires

Outre l’éducation aux médias et à l’information, le retour à l’emploi, le logement et d’autres thèmes liés à la vie quotidienne sont abordés au cours du programme. Chaque intervention est une fenêtre sur l’extérieur, qui vise à créer du lien social et poser des jalons pour l’avenir.

Depuis plusieurs années, Entre les lignes anime des ateliers dans des structures liées au ministère de la Justice. Les publics sous main de justice touchés par nos actions se trouvent souvent en milieu ouvert. Il s’agit principalement de jeunes, comme dans le cadre de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de l’Ain avec lequel un partenariat durable s’est noué, ou en Unité éducative d’activité de jour où des ateliers ont été réalisés par un bénévole, à Dunkerque (59).

Cette dynamique est amenée à se poursuivre car la demande continue d’augmenter. Des interventions sont notamment en préparation en lien avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) Ardèche-Drôme.